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Dans la forêt de l’Oberwald

Extrait d’un journal

Des râles qui n'avaient plus rien d'humain ...
Des râles qui n’avaient plus rien d’humain …

De l’Oberwald à Nonnenbruck

en passant par le Haut du Tôt, Burnhaupt puis Aspach

…/…

Mais au moment où nous devions déclencher l’attaque, les allemands, cherchant à se libérer de l’étreinte, nous arrosèrent d’un tir de barrage qui dura au moins quatre heures. Notre sergent-chef recevait un éclat dans le ventre et était évacué; Dédé Bel en reçu un petit dans le bras sans gravité, quant à moi, un éclat est passé tout près de moi et est venu sectionner le pied du fusil-mitrailleur à 30 cm de ma tête; J’ai eu chaud ! Les allemands réussirent à enfoncer nos lignes, au passage ils massacrèrent tout le personnel de l’hôpital de campagne, infirmières et médecins, qui avait été installé la veille et il n’y eu aucun survivant. (Un monument à leur mémoire a été installé à l’endroit de ce massacre) Il y eu beaucoup de morts dans nos rangs. Le régiment déclencha une contre-attaque avec l’appui d’un régiment de tirailleurs Sénégalais, qui ne firent aucun cadeau aux allemands ; Ils eurent beaucoup de pertes. C’était le 22 novembre.


Comme nous étions affectés à la CA3 (Compagnie d’Accompagnement,
3ème bataillon) nous étions un peu moins exposés que le reste du régiment, et lors de la contre-attaque nous sommes restés en appui légèrement à l’arrière.


Ensuite ce fut de nouveau le départ. Direction les Vosges. Pour épauler une unité qui avait été bloquée dans la région de la commune de Le Tholy. Nous prenions position dans la forêt du Haut du Tôt où nous allions rester une dizaine de jours sous la pluie. Nous couchions deux par deux sous des tentes avec des lits de fougère. Moi j’étais avec mon copain Martinat et cela ne se passait pas trop mal. Aucun de nous n’a été grippé ni même enrhumé.


Nouveau déplacement, cette fois en direction de l’Alsace. Première destination : Burnhaupt, puis en fin de journée, Aspach le Haut. Là, nous nous installons pour une longue durée, dans une ferme sur la petite route qui relie ce village à la ville de Cernay. Nous dormons dans une étable vide. Nous devions protéger un char Sherman, char qui nous protégeait également. Nous installons une mitrailleuse lourde dans une casemate en terre, et nous montons la garde avec des sentinelles, (des brancardiers). Nous sommes protégés par un champ de mines piégées.

De l’Oberwald à Nonnenbruch

Une nuit, j’étais de garde à la mitrailleuse avec deux sentinelles quand soudain une explosion retentit, à une centaine de mètres devant nous, des cris, je pense à une attaque, nous tirons une rafale de mitraillette dans la direction, puis plus rien. J’alerte le PC personne ne répond, j’essaye de joindre un autre poste de garde, même résultat.

Le lendemain je fais part de l’incident à l’adjudant-chef, il me prend pour un cinglé, et affirme que c’est un chien ou un gibier qui s’est empêtré les pattes dans les pièges des mines. Mais l’adjudant Pujos soucieux, fait un tour dans le champ de mines et trouve une coiffure allemande, une mitraillette, une veste et une grande tache de sang.

Après réflexion, nous avons pensé que c’était probablement une tentative de désertion ; Si cela avait été une attaque, ou une patrouille de reconnaissance, il y aurait eu une suite; nous aurions certainement reçu une salve d’obus. Je peux dire que c’est la seule salve de mitraillette que j’ai tiré pendant mon séjour sur le front, à part celles tirées pendant l’entraînement.


De Noël à Aspach à la blessure à Richwiller

A Aspach nous avons fêté Noël grâce à la commune de Bessay. Depuis la libération, la commune était gérée par une délégation dirigée par Mr Fournier, le directeur de la biscuiterie, qui avait remplacé le Maire Mr Sarrazin, nommé par Vichy.

Grâce à la générosité de la population, Mr Fournier nous envoya à tous, un colis de victuailles, conserves et surtout une boite de 500gr de biscuits Délos (NDLR: biscuiterie installée à Bessay depuis 1929), ce qui nous a permis d’organiser un bon repas auquel participèrent également tous nos camarades qui n’avaient pas eu la même chance, et même les civils chez qui nous étions installés.

C’était mon tour de garde et quelqu’un devait me remplacer, mais hélas dans la joie celui qui devait prendre la relève oublia de venir et je me présentais à la fin du repas et je récoltais les restes, et les excuses de l’adjudant, Je n’étais pas très content. Les jours s’écoulèrent, notre alimentation avait changé, nous recevions les fameuses rations américaines, et la dysenterie avait fait son apparition, et j’en fus la première victime.

Ayant reçu l’ordre de partir, je ne pus pas suivre ma section, qui se portait en direction de Mulhouse, libérée la veille, pour attaquer la poche de Lutterbach. C’est à Lutterbach que je rejoignais mon bataillon deux jours plus tard ; En fin de journée nous devions prendre position dans un hangar à potasse dans l’enceinte de la gare de Richwiller, située un peu plus au nord. En arrivant, installation de la mitrailleuse dans une brèche faite par un obus.

Le tour de garde était élaboré et mon tour était fixé à 4 heures du matin. En attendant on pouvait dormir sur le béton avec un peu de paille qui avait été récupérée dans un coin. Il faisait très froid, et les pieds étaient glacés dans les chaussures. C’était le 25 janvier 1945. A 4 heures je prenais mon tour de garde, quand un obus tiré par les allemands venait éclater juste en face du
trou où était placée la mitrailleuse, un éclat difforme d’un centimètre et demi vint se loger dans mon avant-bras droit. Le sang se mettait à couler très abondamment, le sergent, chef de section qui avait été réveillé, ainsi que tout le monde, se porta à mon secours, nous nous couchions par terre tandis que les obus continuaient de tomber sur le toit et tout autour. Dès
l’accalmie il me conduisit à l’infirmerie située à quatre cent mètres environ et j’étais pris en charge par le personnel médical. C’est ici que je fis connaissance avec les premiers cadavres d’allemands. Il y en avait partout. Ils étaient en partie recouverts de neige. C’était le résultat de la bataille de la veille.

Là, je me suis aperçu que je ne pourrais probablement pas continuer avec mes camarades. Après les premiers soins je fus évacué sur l’hôpital de Mulhouse. Il y avait beaucoup de blessés, dans le couloir, dans le hall, partout.

Ici on me fit des soins plus complets et je fus transporté en ambulance à l’hôpital de Belfort pour y être opéré. J’arrivais à Belfort vers 23 heures, on m’emmena immédiatement à la radio puis à la salle d’opération, Je me réveillais vers 4 heures avec un énorme pansement au bras : j’étais opéré. Je suis resté 2 jours dans cet hôpital, et on me proposa une évacuation par train sanitaire à Aix les Bains ou à Evian les Bains. Je choisis Evian les Bains. Le voyage dura presque deux jours, avec l’arrêt à Aix les bains. En arrivant on nous installa à l’hôtel Splendid qui avait été réquisitionné et transformé en hôpital militaire. Nous étions quatre par chambre et nous disposions d’une salle de bains, quelle aubaine !


Je prenais un bain et je m’aperçus que j’avais des poux de corps, alors on me donna du linge propre que j’appréciais particulièrement. Depuis Lamarche sur Saône, ou nous avions la Saône pour nous baigner, nous n’avions eu que très peu la possibilité de nous laver convenablement.
Mon séjour à Evian se passa assez bien. Je fis connaissance avec beaucoup d’autres blessés qui venaient tous d’Afrique du nord. Tous passaient leur temps à jouer aux cartes et aux jeux d’argent. Je n’ai jamais pu me faire à ce genre de jeu, et pour cause, je n’avais pas « le rond ».


Les soins avaient lieu tous les matins. Nous avions une infirmière : la fille du Général Koenig. Comme c’était mon bras droit qui était atteint, il était en écharpe et je ne pouvais pas m’en servir. Je fus donc obligé de trouver une solution pour écrire et donner de mes nouvelles à ma famille. Je me rendais au secrétariat et je rédigeais de la main gauche, mes correspondances à
la machine à écrire.

J’écrivis aussi à mon régiment pour leur donner des nouvelles, et quelle ne me fut pas ma surprise quand je reçus une lettre du colonel Colliou en personne en y joignant une permission permanente. Ce document allait me permettre de profiter pleinement de mes périodes libres en dehors des périodes de soins.

Nous étions nourris par l’hôpital et nous avions notre maigre solde militaire pour nous offrir des petites friandises, qui étaient absentes de notre vie depuis longtemps, mais que les gens d’ici trouvaient facilement en Suisse toute proche.

Enfin la cicatrisation de mon bras était achevée.

Documents divers concernant la blessure et l’hospitalisation …