A Aspach nous avons fêté Noël grâce à la commune de Bessay. Depuis la libération, la commune était gérée par une délégation dirigée par Mr Fournier, le directeur de la biscuiterie, qui avait remplacé le Maire Mr Sarrazin, nommé par Vichy.
Grâce à la générosité de la population, Mr Fournier nous envoya à tous, un colis de victuailles, conserves et surtout une boite de 500gr de biscuits Délos (NDLR: biscuiterie installée à Bessay depuis 1929), ce qui nous a permis d’organiser un bon repas auquel participèrent également tous nos camarades qui n’avaient pas eu la même chance, et même les civils chez qui nous étions installés.
C’était mon tour de garde et quelqu’un devait me remplacer, mais hélas dans la joie celui qui devait prendre la relève oublia de venir et je me présentais à la fin du repas et je récoltais les restes, et les excuses de l’adjudant, Je n’étais pas très content. Les jours s’écoulèrent, notre alimentation avait changé, nous recevions les fameuses rations américaines, et la dysenterie avait fait son apparition, et j’en fus la première victime.
Ayant reçu l’ordre de partir, je ne pus pas suivre ma section, qui se portait en direction de Mulhouse, libérée la veille, pour attaquer la poche de Lutterbach. C’est à Lutterbach que je rejoignais mon bataillon deux jours plus tard ; En fin de journée nous devions prendre position dans un hangar à potasse dans l’enceinte de la gare de Richwiller, située un peu plus au nord. En arrivant, installation de la mitrailleuse dans une brèche faite par un obus.
Le tour de garde était élaboré et mon tour était fixé à 4 heures du matin. En attendant on pouvait dormir sur le béton avec un peu de paille qui avait été récupérée dans un coin. Il faisait très froid, et les pieds étaient glacés dans les chaussures. C’était le 25 janvier 1945. A 4 heures je prenais mon tour de garde, quand un obus tiré par les allemands venait éclater juste en face du
trou où était placée la mitrailleuse, un éclat difforme d’un centimètre et demi vint se loger dans mon avant-bras droit. Le sang se mettait à couler très abondamment, le sergent, chef de section qui avait été réveillé, ainsi que tout le monde, se porta à mon secours, nous nous couchions par terre tandis que les obus continuaient de tomber sur le toit et tout autour. Dès
l’accalmie il me conduisit à l’infirmerie située à quatre cent mètres environ et j’étais pris en charge par le personnel médical. C’est ici que je fis connaissance avec les premiers cadavres d’allemands. Il y en avait partout. Ils étaient en partie recouverts de neige. C’était le résultat de la bataille de la veille.
Là, je me suis aperçu que je ne pourrais probablement pas continuer avec mes camarades. Après les premiers soins je fus évacué sur l’hôpital de Mulhouse. Il y avait beaucoup de blessés, dans le couloir, dans le hall, partout.
Ici on me fit des soins plus complets et je fus transporté en ambulance à l’hôpital de Belfort pour y être opéré. J’arrivais à Belfort vers 23 heures, on m’emmena immédiatement à la radio puis à la salle d’opération, Je me réveillais vers 4 heures avec un énorme pansement au bras : j’étais opéré. Je suis resté 2 jours dans cet hôpital, et on me proposa une évacuation par train sanitaire à Aix les Bains ou à Evian les Bains. Je choisis Evian les Bains. Le voyage dura presque deux jours, avec l’arrêt à Aix les bains. En arrivant on nous installa à l’hôtel Splendid qui avait été réquisitionné et transformé en hôpital militaire. Nous étions quatre par chambre et nous disposions d’une salle de bains, quelle aubaine !
Je prenais un bain et je m’aperçus que j’avais des poux de corps, alors on me donna du linge propre que j’appréciais particulièrement. Depuis Lamarche sur Saône, ou nous avions la Saône pour nous baigner, nous n’avions eu que très peu la possibilité de nous laver convenablement.
Mon séjour à Evian se passa assez bien. Je fis connaissance avec beaucoup d’autres blessés qui venaient tous d’Afrique du nord. Tous passaient leur temps à jouer aux cartes et aux jeux d’argent. Je n’ai jamais pu me faire à ce genre de jeu, et pour cause, je n’avais pas « le rond ».
Les soins avaient lieu tous les matins. Nous avions une infirmière : la fille du Général Koenig. Comme c’était mon bras droit qui était atteint, il était en écharpe et je ne pouvais pas m’en servir. Je fus donc obligé de trouver une solution pour écrire et donner de mes nouvelles à ma famille. Je me rendais au secrétariat et je rédigeais de la main gauche, mes correspondances à
la machine à écrire.
J’écrivis aussi à mon régiment pour leur donner des nouvelles, et quelle ne me fut pas ma surprise quand je reçus une lettre du colonel Colliou en personne en y joignant une permission permanente. Ce document allait me permettre de profiter pleinement de mes périodes libres en dehors des périodes de soins.
Nous étions nourris par l’hôpital et nous avions notre maigre solde militaire pour nous offrir des petites friandises, qui étaient absentes de notre vie depuis longtemps, mais que les gens d’ici trouvaient facilement en Suisse toute proche.
Enfin la cicatrisation de mon bras était achevée.
Documents divers concernant la blessure et l’hospitalisation …