Extrait des « mémoires » de Georges CHEVET, écrites pour ses enfants, petits enfants et arrières-petits enfants.

A la ferme


Quand nous sommes arrivés à la ferme, nous avions reçu le renfort de notre grand-père Chevet, qui avait abandonné son emploi de domestique agricole pour venir aider mon père qui était seul en attendant que nous, les enfants, soyons en âge de travailler.
Dès l’âge de 11 à12 ans, nous devions aider nos parents, le matin avant l’école et le soir au retour quand nous avions terminé les devoirs. Le matin je devais nettoyer les étables des vaches et les écuries des porcs. Mon grand-père paternel, qui vivait avec nous à la ferme s’occupait d’alimenter les vaches ; ma mère s’occupait des porcs et mon père se réservait la charge des chevaux et du travail dans les champs. Donc j’allais devoir m’insérer dans ce groupe de travail et j’allais être attiré par les chevaux.

Cette organisation allait être interrompue par un événement politique d’importance : l’Allemagne d’Hitler envahissait l’Autriche et mon père fut mobilisé en préambule à la déclaration de guerre qui devait suivre.
En 1936 était né notre frère Raymond, et à ce moment-là, chaque enfant qui naissait dans une famille devait être déclaré à l’administration militaire, et cela lui reculait de deux années la classe de mobilisation. Ce qui fait que mon père avait été reporté à la classe 15, c’est à dire qu’il était mobilisable avec les gens de 43 ans alors qu’il en avait que 37. Son fascicule militaire lui faisait obligation de rejoindre un lieu précis, en l’occurrence le Château de la Fin situé sur la route de Chevagnes.
Il fut incorporé dans une section de surveillance aérienne avec une quinzaine d’autres personnes sensiblement du même âge. Cette section était basée au Château de la Fin à mi chemin entre Thiel et Chevagnes. Ils devaient surveiller, avec des jumelles, le ciel et communiquer l’immatriculation des avions de passage aux autorités supérieures. Cette
situation dura jusqu’à la réunion de Munich, entre Hitler, Chamberlain et Daladier qui mit fin à ce début d’hostilités.

Pendant cette absence je restais donc seul avec mon grand-père et ma mère pour faire fonctionner la ferme. Nos voisins, propriétaire au domaine de Belfin, étaient plus évolués et possédaient un poste de TSF. Je me rappelle que nous allions dans le champ à proximité de leur habitation pour entendre la musique. Peu de temps après mon père achetait aussi un poste de TSF. Ce qui nous permit d’entendre les nouvelles de la crise qui sévissait à cette époque.
Il fut démobilisé et la vie reprit ses droits jusqu’au 11 novembre, jour de la Saint-Martin, (c’est comme cela qu’on nommait le jour du déménagement), et nous allions partir, à la suite d’une mésentente avec le propriétaire concernant la valeur du cheptel.

Nous allions dans une autre ferme, plus importante, au lieu-dit les Neufonds sur la commune de Bessay sur Allier, toujours en métayage. La superficie était d’une quarantaine d’hectares, avec 38 bovins et 3 chevaux. Elle était gérée, ainsi que 5 autres fermes, deux locateries et deux châteaux, par un régisseur représentant le propriétaire, Mr Choisy, qui habitait au château de Montaigut le Blin.