Une rame voyageur remorquée par une locomotive à vapeur

Nous revenons vers Moulins. La division bloquée à Moulins, quittait la gare le 5 et le matin du 6 septembre, continua sa retraite en direction de la Saône et Loire, toujours précédé du train blindé. La voie ferrée ayant été sabotée vers Dompierre, la colonne fut interceptée ; Mais le régiment de génie qui l’accompagnait avait vite fait de rétablir les voies. Elle sabotait après son passage le viaduc de Gilly sur Loire.

Elle fut finalement interceptée entre Montchanin et Chagny, et le train blindé fut détruit par des blindés qui avaient été quémandés à l’armée De Lattre qui remontait par la vallée de la Saône, Le fameux train blindé fut reconstitué en carton pour le film ‘’La bataille du rail’’ qui eut un très grand succès à la fin des hostilités.
La région était maintenant toute libérée, nous embarquions à la gare de Bourbon Lancy-Le Fourneau sur un train qui devait nous emmener à Lamarche sur Saône. C’est à Lamarche que la suite des évènements prit une autre tournure.

La demi-brigade d’Auvergne était supprimée et le 152ème régiment d’infanterie était recréé et rattaché à la 9ème division d’infanterie coloniale venant d’Afrique du nord. Notre statut de maquisard allait disparaître et on nous demanda de confirmer notre volontariat en signant un engagement pour la durée de la guerre. Nous signions tous à l’exception de deux cheminots à qui on demanda de rejoindre leur domicile et de reprendre leur travail à la SNCF car il y avait beaucoup à faire pour remettre en état les voies ferrées.

LES PROBLÈMES DE L’INTÉGRATION
LES CLIVAGES
Lorsque les résistants arrivent à la lère Armée en septembre 1944, ils peuvent mesurer très vite ce qui les sépare des combattants de l’armée sur le plan matériel mais aussi sur le plan de l’éthique et de la camaraderie comme sur le plan de la conduite des opérations.
Sur le plan de l’éthique militaire : La 1 ère Armée est forte de sa cohésion, de sa valeur militaire et des succès qu’elle vient de remporter depuis le débarquement en PROVENCE. Elle a été formée, entraînée et équipée en AFRIQUE DU NORD. Elle est composée de Français d’ALGERIE, de Français évadés de la métropole et des soldats de l’empire venus des colonies françaises. Elle a un sens élevé des traditions militaires. La discipline y est stricte. Au contraire, les unités de la Résistance se caractérisent par l’hétérogénéité de leur encadrement qui comprend des officiers et sous-officiers de l’Armée d’Armistice démobilisés en novembre 1942 et des cadres qui, sortis du rang, ont été promus grâce à leurs qualités de chef. La discipline y est réelle, même si elle semble inexistante parce qu’elle ne se manifeste pas comme dans une unité de l’armée régulière. Dans chaque unité, le chef est assuré de la confiance et de l’estime de ses hommes qu’il a gagnées par son courage, par son rayonnement et par sa personnalité. Chaque maquis, chaque unité se reconnaissent dans leur chef dont ils portent le nom et c’est ce qui fait la cohésion et l’esprit de corps de ces formations.

Sur le plan de la camaraderie militaire : La camaraderie et la solidarité qui se forgent naturellement dans les épreuves seront longues à établir. D’une part, les soldats de la 1ère Armée marquent une certaine condescendance à l’égard des unités des forces françaises de l’intérieur, Celles-ci, d’autre part, font un complexe d’infériorité en raison de la misère de leurs équipements comparée à la richesse de la lère Armée. Cette richesse et cette misère qui contrastent violemment, creusent un fossé entre des combattants qui luttent cependant pour le même idéal. Ce fossé existe même entre les cadres d’active de la 1 ère Armée et ceux qui encadrent les formations de la Résistance. Ils proviennent pourtant des mêmes écoles : SAINT-CYR, SAINT-MAIXENT pour l’infanterie ou de l’École de guerre pour quelques-uns d’entre eux. Il en résulte une certaine animosité qui se dissipera lentement.

Le lieutenant-colonel ERULIN, officier d’active et breveté d’état-major qui commande le 1er bataillon de la demi-brigade d’AUVERGNE, commente dans son journal de marche le dénuement de son unité et ses relations difficiles avec les cadres de la 1ère Armée :

« Mal équipés, vêtus de « complets PETAIN » ou d’effets de l’Armée de l’Armistice, parfois sans souliers, nos hommes devront combattre, mêlés aux camarades de l’Armée d’AFRIQUE richement dotés à l’américaine. Seul, leur indéfectible esprit de corps leur permettra de garder leur cohésion et leur fera accepter de vivre mal, au milieu d’une armée possédant tout en sur abondance et qui, à court d’hommes, ne craindra pas de se livrer sur eux au pire des chantages moraux afin de les entrainer dans ses rangs. Mal vêtus, possédant un armement et des moyens de transport disparates, ils se sentiront trop souvent traités en troupe de seconde zone et ne rencontreront que rarement la parfaite camaraderie qui animait chefs et troupes de la 1 ère D.B. et de la 4 ème D.M.M., mais ils lutteront, s’armant eux-mêmes, entretenant par miracle un matériel roulant qui, des Maquis d’AUVERGNE les conduira jusqu’au cœur de l’ALLEMAGNE »,

Le lieutenant-colonel COLLIOU a fait les mêmes constatations:

Lorsque la demi-brigade d’AUVERGNE fait mouvement le 14 octobre de sa zone de stationnement de PONTAILLER (Côte d’Or) vers une nouvelle zone près de MAICHE (Doubs), elle se déplace avec le matériel hétérogène venu du Maquis. « Longues files de voitures de tourisme, d’autobus, de gazogène, de gazobois sillonnent les routes de l’ARBOIS et du JURA. On y trouve même des « bétaillères »» La demi-brigade d’AUVERGNE s’en va vers son destin, non sans soulever les sarcasmes ou les railleries de ses camarades qui se flattent d’appartenir à l’Armée « régulière » et qui les croisent ou les doublent sans vergogne du haut de leurs véhicules modernes et puissants. Délibérément, quelquefois, ils amorcent une collision : c’est pour forcer les F.F.I. à abandonner un véhicule qu’ils se hàtent de récupérer, de remettre en état. Dans leur misère même, ces F.F.I. ne se déplacent-ils pas avec des voitures qui les mettent à l’abri du vent et des intempéries ? Qu’importe qu’ils n’aient que des loques en fait de vêtements .1 On énvie leurs voitures, plus confortables que les Jeeps. Et l’expérience montre, avant même un nouveau contact avec l’ennemi, qu’il faut se défendre sur route au cantonnement contre le « cannibalisme ».

— Sur le plan matériel, l’équipement de la demi-brigade d’AUVERGNE est inexistant. Le lieutenant-colonel poursuit : « Comme toutes les Unités F.F.I., les unités de la demi-brigade sont armées et équipées pour la lutte des partisans. Leur armement est hétéroclite, français, allemand, anglais, américain, grec, russe, polonais, acquis au cours de l’exploitation des dépôts camouflés sous l’occupant, des parachutages, des luttes antérieures avec l’ennemi. L’absence totale de moyens de transmission modernes est également une autre de leurs caractéristiques. Quant à leur habillement, il est aussi disparate que l’armement tenues de l’Armée de l’Armistice voisinent avec les uniformes bleus des aviateurs, les vêtements prélevés sur les G.M.R. les complets « PETAIN » des démobilisés. Pas de toiles de tente, peu de couvertures. Et des moyens « santé » rudimentaires, »

Deux anecdotes sont caractéristiques de ce dénuement : A un sous-officier qui vient de capturer un soldat allemand au cours d’une patrouille, le lieutenant-colonel ERULIN lui annonce qu’il le proposera pour une décoration. Ce sous-officier lui répond :

« Mon colonel, je préférerai une paire de brodequins !…»

A la centrale électrique de COURTELEVANT, le 26 novembre, le 1/15.2 mettra hors de combat plusieurs soldats allemands. Ils seront dépouillés de leurs bottes…

Sur le plan opérationnel La guerre des partisans a développé chez les hommes de la Résistance le goût du risque, l’audace alliée à l’esprit d’initiative, l’aptitude à combattre sur de grands espaces nécessaires à l’exécution des embuscades et à la mobilité qui est salutaire pour esquiver les coups de l’adversaire. Ces qualités sont incompatibles avec la rigueur de la guerre classique qui se conduit dans un cadre espace-temps bien déterminé dans lequel aucune fantaisie n’est permise. Les résistants sauront cependant s’adapter aux conditions du combat moderne. Le général de LATTRE facilitera cette adaptation en engageant progressivement les bataillons de la demi-brigade d’AUVERGNE puis ceux du 15.2 dans le cadre des grandes unités de la 1 ère Armée qui leur apporteront les appuis de feux nécessaires à leur engagement. Après plusieurs mois de durs combats, les soldats du 15.2, les anciens terroristes des maquis d’AUVERGNE ne se distinguèrent

 

DE L’ALLIER AU LAC DE CONSTANCE par le Conseil Général de l’Allier

Nous devenions de vrais soldats et il fallait apprendre à manipuler les armes, apprendre à défiler au pas cadencé, nous recevions quelques vêtements, nous apprenions à tirer au fusil mitrailleur, etc…Nous avons été réorganisés en sections et insérés dans le troisième bataillon de la compagnie d’accompagnement (CA3). Nous restions tous groupés à l’exception de Joseph Bouriou qui était affecté à la onzième compagnie commandée par le Capitaine Eddy. Pourquoi lui et pas d’autre? Je pense que, parce que c’était une pupille de l’assistance publique et qu’il n’avait pas de famille, il n’avait pas droit aux mêmes égards.

Nous partions ensuite à Dambelin. Quelques jours de repos puis nous repartons en direction de Pont de Roide, où nous devons attaquer. Nous partons à pied, à travers champs par un sentier en dévers et, je fais un faux pas, je glisse, je tombe et je me tords la cheville. Le sergent qui nous accompagne me déleste des munitions que je porte et je retourne à l’infirmerie en boitant. Tandis que mon copain Roger Chevrier devait se charger de mes munitions en plus des siennes. (J’en entendrais parler souvent).

Je restais deux jours à l’infirmerie avec la cheville bandée et je rejoignais mes camarades après la bataille à Valentigney libéré. Quelle réception ! Repas du soir servi à table et surtout la nuit dans un vrai lit, tous chacun dans une famille.

Malheureusement le lendemain il fallait partir, direction la forêt de l’Oberwald, entre les communes de Courtelevant et de Obersept (Seppois le Haut en Français), sensiblement où les allemands avaient installé leur frontière. Nous devions attaquer et réduire une unité allemande qui avait été encerclée par les troupes de l’armée De Lattre dès le lendemain matin.